Revue électronique du Projet religion et diversité
C’est avec grand plaisir que nous publions ce nouveau numéro de la revue électronique Reguler le Religieux; premier numéro entièrement en français. Les trois articles publiés ce mois-ci ont d’abord été présentés lors d’un colloque intitulé : ‘Religion dans la sphère publique’ qui s’est tenu dans le cadre du congrès de l’Association francophone pour le savoir (ACFAS) à Montréal en mai 2014. Cet événement fut l’occasion de regrouper plusieurs étudiants affiliés au Projet religion et diversité et/ou travaillant sur les manifestations contemporaines du religieux à travers des études de terrain en Europe, Amérique du Nord, Asie ou au Moyen-Orient. Cette perspective comparée et interdisciplinaire nous a non seulement offert un éclairage intéressant sur les grandes questions liées aux rapports entre la religion, la société civile et l’état, mais nous a aussi permis de mettre en perspective les débats québécois autour de la gestion du religieux qui ont secoués la province en 2014.
Nous vous proposons donc dans ce numéro trois articles qui touchent à des questions conceptuelles et méthodologiques reliées à la régulation contemporaine du religieux au Québec et au Canada. L’article de Bertrand Lavoie adopte une perspective socio-légale afin d’explorer deux approches utilisées en droit constitutionnel canadien pour réguler et limiter la liberté de religion. La première approche, qui reste pour le moment majoritaire, reconnaît l’expression religieuse à titre d’identité personnelle et a recourt à une justification par contextualisation afin de limiter la liberté de religion. La seconde approche, minoritaire, reconnaît pour sa part une dimension sociale et objective à la liberté religieuse et a recourt à une justification par référence pour limiter la liberté de religion. A travers cette discussion, l’auteur démontre que le droit constitutionnel canadien est marqué par des dynamiques discordantes quand il s’agit de la liberté de la religion. En d’autres termes, les limites mises au droit à la religion ainsi que les justifications de ses limites sont loin d’être fixes, mais semblent changer en fonction des décisions, et du contexte socio-juridique et politique canadien.
L’article de Raphaël Legault-Laberge aborde aussi le thème de la régulation du religieux au Canada mais sous un angle micro et anthropologique. L’article prend pour point de départ un objet d’étude original – l’espace routier -, et explore comment ce lieu peut être un espace de négociation et de régulation du religieux. L’auteur porte un éclairage sur ce thème en étudiant le cas des membres du Old Order en Ontario pour qui leur foi interdit, entre autres, la possession de voitures, et qui se déplacent donc en calèches. L’article décrit de manière claire et convaincante le processus de négociation à l’œuvre entre les membres du Old Order et l’état qui sont tous deux appelés à faire des concessions. L’état parvient à inclure dans la norme une pratique atypique, alors que les membres du Old Order consentent à certaines modifications de leurs calèches pour s’adapter au code de la route.
Finalement, l’article de Stéphanie Gravel explore certains enjeux méthodologiques auxquels est confronté le chercheur qui fait de la recherche de terrain en études religieuses. L’auteure est intéressée aux questions qui touchent à la neutralité et l’objectivité du chercheur. Elle nous invite à penser à ces questions à travers sa recherche doctorale qui porte sur la mise en pratique de l’exigence d’impartialité chez des professeurs et professeures de secondaire qui enseigne le nouveau programme d’Ethique et culture religieuse (ECR) mise en place par le Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport au Québec. Stéphanie Gravel discute et porte un regard réflexif sur ses préoccupations méthodologiques qui l’ont accompagnées au court de sa recherche de terrain auprès de ces enseignants, et qui sont liées à sa propre objectivité et impartialité comme chercheuse. Son article nous rappelle l’importance de réfléchir à la relation entre notre propre subjectivité et nos objets d’études; une réflexion qui permet d’assurer un certain niveau de transparence lors de la présentation de nos résultats de recherche.
Bonne lecture !
Amélie Barras et Julia Martínez-Ariño
Le 27 janvier 2015
Hiver 2015 - Dans ce numéro:
- Dynamiques discordantes dans la régulation de la liberté de religion au Canada par Bertrand Lavoie
- Des calèches et des hommes. La question du transport pour le Old Order dans le sud-ontarien par Raphaël Mathieu Legault Laberge
- Enjeux méthodologiques d’une recherche sur la neutralité et l’impartialité des enseignants du programme québécois « Éthique et culture religieuse » par Stéphanie Gravel